Difficile d'associer show impressionnant, correspondant à la "vision" d'un artiste (ou en tout cas à ses désirs) et proximité avec le public. Mais, sachant sortir l'artillerie lourde tout et faire vibrer la salle,
Porcupine Tree démontre son sens de la scène, au moins aussi bon que l'intensité émotionnelle de ses albums.
Le concert commença tôt, comme souvent au Transbordeur. C'est aux Stickmen, groupe comprenant Tony Levin (bassiste de King Crimson, mais ayant aussi tourné avec Pink Floyd, Yes, Dire Straits...) que revenait la "dure tâche" d'ouvrir le show. Enfin, dure tâche... Le public était loin d'être hostile. Il a même réservé un accueil poli à la prestation du groupe qui a dû semblé bien bizarre pour une bonne partie de l'audience. En effet, sur scène on trouvait Pat Mastelotto à la batterie, ledit Levin ainsi qu'un autre lascar, ces deux derniers étant armés non de guitares, de basses ou de claviers mais de Chapman Stick. Pour les lecteurs qui ne connaissent pas, le Chapman Stick est un instrument étrange mais plutôt polyvalent, ressemblant à l'enfant d'une partouze entre une guitare, un synthétiseur et une basse. Le Chapman Stick comporte huit à douze cordes, dont la tessiture va de celle d'une guitare, aux basses à plus de six cordes. Comme sur un clavier, la main gauche joue les accords ou la partie basse, et la main droite la mélodie. A part Tony Levin, John Myung (
Dream Theater) l'utilise, notamment sur la chanson Home de Metropolis Part Two-Scenes From A Memory.
Mais revenons à nos Stickmen. Le public fut loin d'être conquis par les folies de Levin et ses complices, qui tantôt assénaient des gros riffs rock, parfois flirtaient avec le jazz.
Mais même si tous n'ont pas accrochés, des die-hard fans étaient là, en voulaient et le faisaient savoir. Une petite blague à propos d'un "super potage" et un leader sympa, The Stickmen n'étaient tout de même pas de mauvais bougres, et ceux qui ont crachés dans le "super potage", le trouvant trop expérimental, ont eu tort de ne pas voir la douce folie des musiciens.
Et ensuite voilà la tête d'affiche de ce soir ! Pour garder l'esprit de son album, Steven Wilson annonce la couleur juste après The Blind House:: il jouera l'album en entier, avec le moins d'interruptions possible. Ensuite, après une courte pause, des chansons des anciens albums viendront clore le concert.
Et là, il faut dire qu'il était difficile ne ne pas se faire prendre totalement au jeu. Ecran diffusant des vidéos oniriques et des photos dans l'esprit de The Incident (regardez la pochette pour avoir une idée plus précise), lumières très bien gérées... Il y avait à voir et à entendre, et le set était impressionnant de professionnalisme. Bien en place, avec un bon son, quoique fort (bouchons d'oreilles plus que conseillés),
Porcupine Tree avait des accents Floydiens. Mais là où la bande à Waters semble déconnectée, prise dans le grand cirque avec choeurs, orchestre et tout le toutim, les membres de
Porcupine Tree ne mettaient pas de barrière invisible et infranchissable. Pieds nus, en jean et T Shirt comme un éternel ado, Wilson apparaissait sans mégalomanie aucune. Un piano posé en plein milieu de la scène, vers lequel il venait quand les besoins de la chanson le faisait ressentir, donnait l'impression d'être chez lui, et qu'il nous jouait, en toute intimité, sa dernière composition, trouvée dans la nuit. A ces moments de sobriété succédait des passages plus intenses. Impossible de ne pas citer Time Flies, moment phare de l'album, et du concert: touché par les accords du début, puis emportés par le long passage instrumental et les images de synthèses diffusées à l'écran, c'était un peu plus que de la musique qui se jouait au Transbo ce soir là.
Vint la fin de l'album, mais pas du concert: le groupe (et le public, éprouvé par un moment aussi intense) se paie une courte pause de 10 minutes exactement. A la fin du décompte, affiché à l'écran, les membres de
Porcupine Tree viennent assurer la seconde partie de leur show. Oldies but Goodies, tout la carrière du groupe y passe. Des débuts psyché pop jusqu'à
Fear Of A Blank Planet, en passant par In Absentia en rappel, tout y passe. Wilson y montre son talent de dialogue et d'écoute du public, en frontman discret mais efficace. On entend "A poil !", goguenard, il répond:"What does it mean...You want me to get naked ?
Trust me, you don't want to see that...". Avant de jouer les vieux morceaux datant des premiers albuls, il interroge le public, qui était venu la dernière fois, et pendant les années quatre vingt dix. Et lorsqu'il s'agit de présenter les musiciens, avant de se quitter, chaque membre a droit à sa private joke: Gavin Harrison nous amusera d'un mouchoir blanc, l'ingé son passera
Back In Black pour l'australien Colin Edwin et Born In The USA pour John Wesley, à qui tout le monde souhaitera Happy Thanksgiving. Classe,
Porcupine Tree a tout simplement tenu en concert la promesse qui fut faite avec The Incident.