Après un In Requiem réussi qui montrait une envie de revenir à un son plus doom,
Paradise Lost était forcément attendu au tournant. Le retour aux sources est espéré depuis des années par les fans et des albums comme l'éponyme de 2005 ou In Requiem justement tendent dans cette direction... pour ceux qui aiment interpréter les signes, ce sont des indices plus que prometteurs. Mais ne serait-ce pas en définitive une solution de facilité ? Faire un
Draconian Times Part II comme beaucoup le réclament depuis plus de dix ans, blasés par l'orientation plus gothique, teintée d'électronique, des Anglais d'Halifax ?
Le groupe subit entre les deux sorties un nouveau changement de personnel. Décidément, cette place de batteur est maudite. C'est le seul poste qui aura connu des changements de line-up, mais cette fois-ci, c'est un grand nom qui signe :
Adrian Erlandsson, connu pour avoir joué en compagnie de
Arch Enemy ou
Cradle Of Filth, des combos plus extrêmes que
Paradise Lost. De quoi faire saliver, sauf quand on sait que c'est
Peter Damin, batteur de session, qui sera crédité principalement. Serait-ce un nouvel indice quant à l'évolution de
Paradise Lost ?
Un autre coup d'oeil aux crédits nous apprend que
Rhys Fulber n'est plus de la partie. Le producteur a laissé sa place à
Jens Bogren (que l'on a déjà croisé derrières les manettes avec
Opeth). Bref, difficile de savoir de quel bois ce douzième album studio sera fait tant le groupe se complait à brouiller les pistes.
Mais
Nick Holmes est un poète et
Greg Mackintosh mieux que quiconque sait mettre ses vers en musique. Partant de ce principe simple, universel pourrait-on avancer,
Paradise Lost fait du
Paradise Lost. Bref, il ne faut pas s'attendre à une folle sarabande, mais plutôt à une danse macabre pesante, qui laisse son côté moqueur de côté pour s'enfoncer dans ses tendances les plus noires. Ce n'est pas pour rien que les musiciens ont choisi des gravures de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance pour illustrer leur nouvelle oeuvre. Le titre de l'album en lui-même résume parfaitement cette idée : quelque soit ce qui nous divise, nous sommes tous égaux face à la mort.
Partant de ce constat simple, on a déjà une bonne partie de la ligne directrice de cet opus. Et musicalement, cela se trouve retranscrit par une lourdeur prenante, très doom dans l'esprit. Alors, tient-on ce fameux retour aux sources évoqué au début de cette chronique ? On parlera plutôt de boucle en fait. Le travail effectué avec Fulber n'est pas renié, loin de là. Ce disque est dans la parfaite continuité de In Requiem et fait remarquable,
Paradise Lost n'imprime pas une large marge d'évolution entre ses deux derniers méfaits. Bien sûr, le son est différent. les guitares sont bien plus massives et incisives. Le chant de Holmes est admirable, toujours entre rage et mélancolie, les vocaux caverneux se marient à merveille avec son timbre clair, très agréable. Et là encore, ce n'est pas une nouveauté.
Faith Divides Us - Death Unites Us n'est qu'une version améliorée de In Requiem, le résumé semble tout tracé. Cela transpire aussi dans l'artwork très travaillé et évocateur même si la manière n'est pas la même. On remarquera toutefois que les photos du groupe sont restées dans le même style, comme si les musiciens étaient des fantômes et que ces corps éthérés hantaient une Angleterre somme toute victorienne. Un résumé qui est un raccourci un peu dangereux tout de même.
Paradise Lost suit une logique. Depuis
Symbol Of Life en 2002, le combo n'a eu de cesse de proposer des disques plus heavy. Et c'est encore le cas ici. Les rythmiques sont lourdes, la guitare se fait plomb et laisse place à des parties d'une finesse insoupçonnée quand Mackintosh décide de se fendre d'un court solo. Holmes est en pleine grâce. Il est l'une des forces vives de ce disque, on retrouve, mieux, on reconnait tout de suite un phrasé typique, qui lui est vraiment propre (
I Remain est l'exemple le plus flagrant). Puis on se trouve face à des morceaux qui laissent apparaitre un sourire de satisfaction tant la forme est familière. Un riff qui thrashise gentiment comme celui de
Universal Dream et qui fait plaisir. Mais quand on se repasse le disque, ce que l'on ne manquera pas de faire, on se rend compte que dans sa forme la plus classique,
Paradise Lost est juste bon, tandis qu'il est tout simplement époustouflant quand il se montre plus ambitieux et qu'il construit des morceaux plus complexes, comme le puissant
Frailty, qui promet d'être une boucherie sur scène. Et c'est à travers de tels morceaux que l'on comprend quel sera l'héritage laissé par l'ère Rhys Fulber.
Avec cet album,
Paradise Lost ne fait pas que s'approcher de sa gloire passée, il la touche du doigt et il fusionne avec.
Faith Divides Us - Death Unites Us mettra tout le monde d'accord : le groupe va se réconcilier avec les derniers fans réfractaires à leur carrière récente. Ce disque n'est pas inespéré, il arrive même très logiquement.
Paradise Lost trouve le parfait compromis entre la musique doom et le metal gothique qu'il a largement contribué à populariser et cette synthèse est très réussie. Peut-être un ou deux titres plus faibles. Mais qu'est-ce quand on ressort de cette écoute non pas déprimé, mais heureux, parfaitement heureux ?
P.S : il est rare qu'il en soit fait mention, mais l'édition limitée est tout simplement magnifique. Pas un simple digipack, mais une jaquette au format DVD avec fourreau, des illustrations qui gagnent en impact, puis un disque bonus qui vous permettra d'entendre la voix de Nick Holmes avec comme soutien, le City Of Prague Philharmonic Orchestra. Deux titres seulement, mais la relecture colle parfaitement à l'esprit du groupe. On passe même à une autre dimension de sensibilité, les grandes envolées sont splendides. Faut-il y voir les prémices d'une future collaboration sur un album entier ? La question est posée mais avant de fantasmer, il y a ces deux morceaux pour rêver.