En digne héritier de ce legs "symphonique" maudits, sur lequel les rigoristes traditionalistes défendant un Black Metal à la pureté originelle intacte, définis implicitement par d'obscurs règles tacites concernant un minimalisme, une hargne, une aversion et une violence de rigueur, n’ont de cesses de vomir leur haine expiatoire,
Dimmu Borgir va édifier les fondements d’une nouvelle vénération qui, avec ce Puritanical Euphoric Misanthropia, marquera son expression la plus grandiose.
Plusieurs préceptes offriront à cette œuvre une apparence fondatrice évidente. Si, bien entendu, d’autres plus illustres auront, bien avant, tutoyé la perfection d’un Black Metal symphonique inspiré, tels que
Limbonic Art,
Emperor,
Cradle Of Filth ou encore
Morgul, tous auront privilégiés cette parure orchestral, développé à l’aide d’instrument synthétique (claviers…), comme un outil de composition transcendant cette noirceur.
Dimmu Borgir, quant à lui, définis son usage comme celui d’un embellissement plus additionnel, accessoire, et dont les contours, et les alternances, sont très marqués. Pour ces versets symphoniques,il commence par s’adjoindre les services d’un véritable orchestre philharmonique. Si l’entreprise est inhabituelle, elle offre d'emblée une dimension solennelle prodigieuse à cet album. Bien entendu pour offrir la quintessence de ce dispositif classique, le groupe se doit de magnifier le son, souvent décharné, de ces productions où, soit par essence, soit par défaut, le mixage est souvent brut, souvent âpre, souvent inaudible. De ce fait, cette harmonisation d’un son, désormais, moins ardu, et plus accessible, apparait comme une hérésie supplémentaire aux oreilles de ces austères conservateurs déjà évoqués.
Pourtant la diversité émotionnelle admirable, né évidemment d'une diversité de composition, qu’en retire un ensemble dont chaque note s’impose avec justesse, est incontestable. En un édifice d’une indiscutable simplicité,
Dimmu Borgir déclame un couplet dévot à une majestueuse beauté laide. Alternant ses constructions de manière désinvolte, le groupe assoit son aura avec une insolence déconcertante. Si l’on peut regretter ce son trop parfait, ces construction trop accessibles et cette extrême laideur ténébreuse d’un Black Metal trop succinct ; ce Puritanical Euphoric Misanthropia ne peut laisser quiconque indifférent.
Et après ce préambule, aux harmonies tourmentés, Blessings Upon The Throne Of Tyranny déchaine les troubles délicieux d’un intense malaise. Ce morceau emblématique développe toute l’ampleur "novatrice" de ce concept "nouveau". Aidé en cela par un Nicholas Barker techniquement impressionnant et irréprochables qui héritent, enfin, d’un traitement sonore digne de son talent (défauts dont il ne cessait de se plaindre auprès des frères ennemi de
Cradle Of Filth à côté desquels il officiait il y a peu encore), mais aussi soutenu par un Shagrath dont la voix écorché est déchirante, par un Mustis dont les nappes, pianos et clavier embellissent magnifiquement le propos, par un Silenoz et un Galder dont les riffs, certes, basiques sont toutefois entêtants.
Dimmu Borgir hypnotise littéralement un auditoire abasourdis. En ajoutant une capacité délicieuse à l’écriture de breaks et d’intro, symphoniques, ou
non, superbes (l’excellent Hybrid Stigmata - The Apostasy, Sympozium…), mais aussi un don inné pour disséminer parcimonieusement quelques voix claires (Kings Of The Carnival Creation, Hybrid Stigmata - The Apostasy…), le groupe célèbre superbement un genre et lui permet de s’ouvrir à une ère moderne dans laquelle sa place sera prégnante. A l’évidence ces titres, primaires mais variées, sont d’une richesse que quelques mots ne peuvent décrire aussi exactement qu’ils le mériteraient et chaque tentative reste soit insuffisante, soit vaine.
Au cœur de cet arsenal noir et symphonique, pourtant déjà impressionnant,
Dimmu Borgir enrichit encore son œuvre avec l’usage de quelques riffs et de quelques rythmiques Thrash (Architecture Of A Genocidal Nature notamment), mais aussi d’une reprise (Burn In Hell) de Heavy, genre dans lequel il dit puiser quelques influences, de
Twisted Sister. Lorsque se clôt un magistral et monumental Perfection Or Vanity instrumental, le sentiment profond de cette balade merveilleuse, et obscure à la fois, qui vient d’être la notre, ne nous quitte guère.
Ce Puritanical Euphoric Misanthropia, quoiqu’en disent et quoiqu’en pensent ses détracteurs les plus farouches, n’est rien moins qu’un objet de culte totalement méritoire.